mercredi 31 décembre 2008

En fin d'année

Nous voilà au 31 décembre, en fin de soirée. Il me vient tout à coup à l’idée que faire le point ici serait une façon appropriée de finir l’année. Une année qui, pour moi, n’aura pas été l’année de la crise mais l’année de l’implant.

Quelques mots de la Californie. Je ne peux pas parler de la recherche elle-même mais je peux dire que Roger et moi avons été grandement impressionnés par les chercheurs rencontrés. Pas des deux de pique, je vous prie de le croire. J’ai eu quelques moments d’inquiétude parce que mes résultats aux tests chez eux étaient bien moins « bons » que mes résultats ici. Je me demandais si cela pouvait fausser leurs statistiques. Plus tard, je me suis rendu compte de mon erreur : leur intérêt, c’est la comparaison entre les divers tests que je passe, suivant leurs essais.

Le mardi et le mercredi midi, nous avons dîné avec des membres de diverses équipes : des gens de marketing un jour, des chefs de projet un autre jour. Ils nous ont posé beaucoup de questions et nous écoutaient avec beaucoup d’intérêt.

Le jeudi, Roger a passé la journée avec un copain photographe rencontré sur Internet. Comme Roger, Stephen est un scientifique (physique) de profession, qui s’adonne passionnément à la photographie. Je m’étais dit que j’irais dans les magasins et que je m’arrangerais pour me trouver une plage. C’est ce que j’ai fait mais en compagnie de la femme de Steve, Shirley. Oui, j’ai mis les pieds dans le Pacifique. Pas très chaud mais très beau.

Le vendredi, nous avions prévu une excursion. Ça n’a pas été la grande réussite. La région de Los Angeles est sillonnée d’autoroutes et les « beaux coins » ne sont pas faciles à trouver. Moi, j’ai beaucoup aimé la région, ce massif de montagnes au relief très heurté, ces collines, ces buttes mangées de soleil, à la végétation tellement desséchée, en octobre, qu’elle craque sous les pieds.

La surprise

Peu après mon retour a commencé une période de changement, qui se continue au moment où j’écris ces lignes.

Il s’agit d’un changement dans mon audition, que je trouve difficile à décrire. En gros, je crois que j’entends beaucoup plus de hautes fréquences, ce qui se traduit une augmentation des sifflements parasites. C’est plus manifeste quand j’écoute de la musique, c’est plus subtil dans la distorsion des sons familiers, comme par exemple la voix de Roger.

Au début, c’est-à-dire à mon retour de Californie, j’ai pensé que c’était une conséquence des tests, ou encore du fait d’avoir pris deux fois l’avion.

J’ai consulté l’audiologiste parce que, pendant près d’une semaine, l’effet se faisait même sentir sur ma discrimination et je comprenais beaucoup moins bien ce qu’on me disait.

Le temps que les audiologistes puissent me recevoir, une certaine adaptation s’était faite et les tests en cabine n’ont pas montré de détérioration de ma discrimination.

Mon audiologiste de programmation a quand même passé deux bonnes heures avec moi, pour raffiner les niveaux des électrodes. Il a fait quelques changements à la programmation et m’a conseillé de vivre avec le nouveau programme jusqu’au prochain rendez-vous, deux semaines plus tard.

Le lendemain, ma première impression était que nous avions empiré la situation plutôt que de l’améliorer. Avec le temps, je me suis adaptée au nouveau programme mais, la semaine dernière, l’audiologiste et moi avons pris la décision de revenir au programme original.

Entre-temps, j’avais fait certaines vérifications. Un audiogramme pour l’oreille droite et la vérification du fonctionnement et de la programmation de la prothèse pour m’assurer que le changement ne venait pas de là.

Dans le quotidien, certaines situations sont peu affectées par le changement. Je parle de nouveau aisément avec Roger, avec des amis. Au restaurant, dans les magasins, je suis revenue où j’en étais avant octobre. Au téléphone, ça va moins bien. Le pire, c’est la radio.

L’audiologiste m’a dit qu’il n’y avait là rien de particulièrement surprenant ou d’inquiétant et que la plupart des gens éprouvent ce genre de changement avec le temps. Aussi longtemps que ma compréhension du langage n’est pas significativement affectée, il hésite à faire des changements plus accentués sur la programmation. « J’ai deux tiroirs de dossiers-patients, m’a-t-il dit. Dans mes deux tiroirs, des 100 % aux tests de phrases, j’en ai peut-être 10. Je ne veux pas toucher à ça. »

Lors de cette rencontre, il avait avec lui une étudiante en audiologie, qui faisait un stage d’observation. Elle m’a dit qu’elle n’en revenait pas de m’entendre parler de musique. Leurs professeurs leur apprennent que l’audition de la musique n’est généralement pas améliorée par l’implant.

Conclusion

Après huit mois d’usage de l’implant, mon bilan est plus que positif. Je suis vraiment très heureuse des résultats. Je chiâle un peu à cause du changement des derniers mois mais je sais que je suis gâtée.

Comme j’écris aussi ce blogue pour des gens qui pourraient se poser des questions sur l’implant, voici quelques réflexions :

L’implant est une petite merveille technologique mais il ne fait pas disparaître la surdité d’un coup de baguette magique. On reste une personne sourde sauf qu’on est une personne sourde qui entend beaucoup mieux qu’avant.

Il faut de la patience. L’implant demande de l’adaptation. J’ai eu la chance d’avoir une adaptation très très rapide, ce n’est pas toujours le cas.

Et comme je l’ai moi-même appris, l’adaptation ne va pas juste dans une direction. Le cerveau et le système nerveux auditif ne progressent pas de façon linéaire.

Si j’avais à le refaire, est-ce que je le referais ? Oui, un zillion de fois oui.

Et bonne année !

dimanche 26 octobre 2008

Je découvre Advanced Bionics et Los Angeles

Depuis le début de l’été, je suis en correspondance avec l’équipe d’Advanced Bionics, les fabricants de mon système d’implant cochléaire, dans le but de participer à leur programme de tests.

Le programme est intéressant. On me paie, à moi et à la personne qui m’accompagne, toutes les dépenses suivantes : voyage, hébergement, voiture, et petites dépenses à raison d’un per diem de 46 USD par personne. Si je choisis de rester plus longtemps, mes dépenses additionnelles sont à mes frais mais mon voyage reste payé par AB.

Finalement, au début d’octobre, nous nous sommes décidés. Je me suis inscrite pour deux journées de tests, la semaine du 20 octobre. Dans l’échange de messages qui a suivi, j’ai mentionné que j’aimerais beaucoup participer à des tests effectués dans le cadre de leurs recherches sur l’amélioration de la perception de la musique. J’ai expliqué que je croyais que serais un bon sujet, étant donné mes études musicales, le succès que j’avais avec l’implant, et mes efforts personnels pour améliorer ma perception de la musique au moyen de l’implant.

Et voilà-t-il pas que j’ai été invitée à participer à leur programme de formation à la qualité, dans le cadre duquel ils organisent des rencontres du personnel avec les patients. Si j’acceptais, je ferais un exposé pour raconter mon histoire aux membres de chacun de leurs deux groupes d’employés. De plus, toujours si j’y consentais, on tournerait une petite vidéo de mon exposé, pour le personnel de l’équipe de nuit. Finalement, toujours si j’acceptais, je ferais l’objet d'une entrevue filmée en studio, à visionner sur le site d’Advanced Bionics. Et on me paierait une journée de séjour de plus.

J’ai tout accepté, le concept du programme me semblait judicieux et l’expérience m’intéressait.

Voyage

Nous sommes partis dimanche matin, le 19. Nous prenions l’avion à 9 h 30. Pas besoin de vous dire que la nuit fut mouvementée. Rien ne m’énerve et ne m’empêche de dormir comme de savoir que je dois me lever sans faute à une certaine heure, avec des conséquences comme manquer un avion si je ne me réveille pas. Nous avons tous et toutes nos petites anxiétés, n’est-ce pas ? De plus, j’avais commencé à rédiger ma présentation mais je n’avais pas fini, ça me tournait dans la tête…

C’était la première fois que je prenais l’avion depuis l’implant. On nous donne une carte à présenter aux agents de sécurité, qui nous identifie comme porteur d’implant indique qu’il est possible que l’implant déclenche le signal du portail, et aussi qu’il est impossible de faire passer les composants de l’implant dans les machines à rayons X. On nous explique que le scanneur manuel est acceptable. Au moment de la programmation, à Québec, on m’avait raconté l’histoire de cette dame qui, dans l’énervement du voyage, a placé son processeur dans le plateau qui est passé aux rayons X. Le processeur a été complètement déprogrammé ! Imaginez, passer une semaine en vacances sans processeur…

Dans mon cas, tout s’est passé sans la moindre anicroche et je n’ai pas déclenché de signal d’alarme. Nous voyagions par United mais le vol se faisait par Air Canada, sur un Airbus 309. Une patate, a dit Roger. N’empêche que la patate avait à chaque place une prise de courant et j’ai donc pu profiter du temps en vol (cinq heures et quarante huit minutes à l’aller) pour terminer le texte de ma présentation. Un vol par ailleurs on ne peut plus sans histoire.

Après l’atterrissage à Los Angeles, nous avons eu la surprise de découvrir qu’on nous envoyait reprendre nos bagages sans autre formalité de sécurité. Et hop ! En route à bord de la navette qui nous mène à l’immense terrain de stationnement de l’agence Hertz. Notre Toyota Camry se trouvait dans l’espace 973 !!! Et oui, il y a un espace 001 !

Notre voiture est munie d’un système GPS Magellan. Nous avions apporté notre Garmin (nous ne partons plus sans lui) mais avons utilisé le Magellan pour nous rendre à l’hôtel. Le système du Magellan pour ce qui est de la saisie des données de l’adresse de destination est vraiment peu pratique. Au lieu d’un petit clavier, l’écran de l’appareil offre un alphabet où l’on navigue lettre par lettre au moyen de flèches. Même si c’est un système intelligent qui, à mesure qu’avance la saisie, évalue les solutions possibles et offre de moins en moins de lettres, ça ne va pas vite.

Bon, revenons à nos moutons.

C’est notre premier contact avec les autoroutes de Los Angeles et ça se passe fort bien. Évidemment, un dimanche après-midi, ce n’est pas l’heure de pointe. Nous traversons quand même quelques zones encombrées : c’est comme chez nous, plein de gens s’en vont chez belle-maman ou le beauf ou en promenade.

C’est aussi notre premier contact avec les montagnes de Santa Monica, qui enserrent toute la région, de plus ou moins près. Un relief tellement découpé, tellement accusé. Dans certains cas, à peine des buttes, mais aussi des hauteurs plus imposantes. Et le tout, en général, couleur sable, ou brun. C’est, pour nous, très nouveau et très beau.

Nous arrivons à l’hôtel sans anicroche mais la fatigue se fait déjà sentir, même s’il n’est que 14 h 30, heure du Pacifique. Après une brève promenade, souper et on rentre. Je mets la dernière main à ma présentation, j’ai décidé d’utiliser Power Point pour ajouter quelques images, notamment des diagrammes de ma courbe de perte auditive et même un petit fichier son, car je parle de mon fameux sol 5 et je le fais entendre. Dans le cas des diagrammes, j’ai commencé à les reproduire pour vous, il y en a maintenant deux dans le deuxième texte de ce blogue, tout au bas.

Premier jour, le lundi 20

J'ajoute quelques points à ma présentation, avec les idées qui me sont venues durant la nuit. Roger fait tap-tap-tap…

L’hôtel offre un très honnête petit déjeuner gratuit, avec un buffet proposant café et jus, fruits, céréales, muffins, gruau (du gruau, Élisabeth, du gruau !), rôties, bagels, beignes, brioches, et même, un plat chaud en portions individuelles, qui varie chaque matin : petite omelette au fromage, petite rondelle de chair de saucisse, etc.

Je suis nerveuse à l’idée de ma présentation, et Roger est nerveux à l’idée du trajet à faire pour se rendre chez Advanced Bionics. On nous a parlé des terribles embouteillages de l’heure de pointe à Los Angeles, et du fait qu’un trajet d’une trentaine de minutes peut en fait prendre jusqu’à deux heures et demie. Nous sommes attendus vers 9 h pour la mise en place de tout l’équipement pour ma présentation, à 9 h 30. On nous a dit de compter environ une demi-heure à l’heure de pointe. Nous partons donc (!) vers 7 h 30. Nous arrivons en fait un peu après 8 h (béni soit le GPS, béni soit son saint nom !)

La mise en place de l’équipement se fait quasi sans heurt et Roger arrive en quelques minutes à peine à faire en sorte que mon Mac s’affiche sur le grand écran de projection.

Exposé, go !

Mon premier exposé s’adresse au personnel de l’installation où se fait la fabrication et la recherche, à Sylmar. Je m’oriente davantage sur les aspects médicaux de ma surdité, l’impact de ma deuxième grossesse, le programme expérimental au fluorure, les années sans l’implant et leur justification, et l’impact de la ménopause. J’explique aussi la gratuité du système de santé québécois, la compétence de l’équipe d’implant et la minutie du processus de sélection. Je raconte mes premières expériences avec l’implant et, bien sûr, l’histoire de la barbe de Roger. Je décris avec assez de détails (je fais de mon mieux, côté termes techniques !) mon expérience de la musique depuis l’implant, ce que j’entends avec mon iPod ou la radio de l’auto, ou quand je joue du piano.

À la fin de la présentation, après les questions, Gabriele, la responsable du programme, me félicite chaleureusement et me dit que ma présentation était « fabulous ». Je la remercie en riant et je lui dis que je suis bien certaine qu’elle ne dit jamais que c’était fort ennuyeux. Elle rit à son tour et dit que parfois, elle dit simplement que c’était bien.

La personne avec qui je vais travailler pour les deux jours de tests vient se présenter. Je n’en dirai pas plus long car je me suis engagée à ne rien révéler concernant les tests. Et comme j’ai lu beaucoup de romans et que j’ai beaucoup beaucoup d’imagination, je ne dirai même pas d’où viennent les gens que j’ai rencontrés, de peur qu’un ignoble espion industriel ne dise, en lisant mon blogue (il n’a vraiment pas grand chose à faire !) : « ah tiens, un scientifique du Proutoustan du Nord-ouest chez Advanced Bionics, ce doit être Plouk Chozaki, ce qui signifie qu’AB s’intéresse à l’audition des libellules et se prépare à mettre au point une antenne proto-éthologique ! »

Visite du campus de Sylmar

Après mon exposé, rencontre avec un autre chercheur, pour la visite. Il commence par nous présenter en détail les éléments qui constituent le système que je porte. Il nous montre d’abord les divers composants de l’implant lui-même, le capteur-stimulateur et les électrodes. Presque tous les matériaux utilisés pour la fabrication de l’implant sont des métaux précieux pour des raisons de durabilité et de stabilité, comme par exemple les fins fils d’or protégés de platine qui transmettent les signaux du capteur aux électrodes, ou encore le titane du boîtier.



Contrairement à ce que nous avions cru comprendre et à ce que j’ai écrit ici ou expliqué précédemment à plein de gens, les électrodes ne sont pas rattachées individuellement dans la cochlée, elles sont plutôt formées en une longue et très fine rangée, qui est insérée dans le tube en spirale que forme la cochlée.


Il nous montre ensuite les divers circuits qui composent le processeur et souligne que AB est passé d’un boîtier au corps,

d’environ 7 centimètres sur 5, et 1 centimètre d’épaisseur,
à un élément se portant derrière l’oreille de moins de 1 centimètre et demi de diamètre et de même pas un demi-centimètre d’épaisseur et ce, en ajoutant plus de fonctions et de précision.

Notez que l’élément processeur, ce n’est que le petit morceau relié à l’antenne qui est au-dessus de la fine ligne, à peu près à la moitié. De l’autre côté de la ligne, c’est la pile, en fait plus grosse que le processeur lui-même. C’est une merveille de miniaturisation.

Les gens que le côté technique intéresse trouveront plus d’explications sur le site d’Advanced Bionics, dans la section destinée aux professionnels mais qui est accessible à tous. En voici l’adresse :

http ://www.bionicear.com/For_Professionals/index.cfm ?langid=1

AB ne fabrique pas tous les composants qui entrent dans la fabrication de l’implant, comme par exemple, justement les circuits intégrés du processeur, mais c’est son équipe qui les conçoit et les teste, ou qui travaille en étroite collaboration avec des concepteurs de systèmes électroniques. C’est cependant chez AB que se fait le montage des électrodes.

Nous faisons ensuite la visite des installations de production proprement dites. Nous voyons notamment une dizaine de personnes qui travaillent en s’observant à travers des lentilles grossissantes parce qu’elles manipulent des éléments d’une extrême petitesse. Dans une autre salle, d’autres effectuent des opérations avec des gants qui pénètrent dans des boîtes entièrement isolées. Tout le monde porte des combinaisons de laboratoire, des résilles, et des bandes de caoutchouc de mise à la terre sous les pieds et aux poignets. Pour travailler au montage des rangées d’électrodes, il faut suivre une formation de trois mois.

Le processus de contrôle de la qualité est rigoureux. Toute personne peut interrompre en tout temps le processus pour signaler un défaut. Le chercheur nous raconte qu’un travailleur a signalé un jour un défaut dans une toute nouvelle pièce, fabriquée à l’extérieur, qui avait pourtant été approuvée et testée par de nombreuses équipes, y compris chez AB. « Il a fait perdre deux millions à la compagnie et savez-vous ce que la compagnie a fait ? Elle lui a décerné un prix spécial ! »

Ce qui est intéressant aussi, c’est que notre guide nous assure que l’effectif d’AB est extrêmement passionné et motivé. Le roulement est relativement peu élevé. Tout le personnel est conscient et fier de participer à la fabrication d’un produit qui fait vraiment une différence dans la vie des gens.

Après-midi

En après-midi, je reprends ma présentation, cette fois devant le personnel des ressources humaines et des ventes, de la section de Valencia. Mon exposé est filmé et sera présenté au personnel de l’équipe de nuit. Gabriele est de nouveau très contente de moi, Roger dit que j’ai « bien fait ça ». Et moi, je suis sérieusement soulagée et, en gros, satisfaite de ma performance.

Après quoi, on me conduit au studio interne d’AB, pour l’entrevue filmée, où je relate mon expérience et mon opinion sur l’implant et le processeur. Le vidéographe, Howard, fera un montage et je serai la « vedette » d’une des vidéos d’information sur l’implant, que l’on peut visionner sur la page YouTube d’Advanced Bionics. En voici l’adresse, mais je n’y suis pas encore.

http ://www.youtube.com/user/HarmonyBionicEar

Howard nous a raconté comment il en est venu à travailler chez Advanced Bionics. Il avait alors sa propre entreprise de vidéo industrielle et s’en tirait fort bien. AB lui a confié un contrat, deux vidéos sur les installations. Il a rempli son contrat, pour lui, c’était un mandat intéressant, sans plus. Un mois plus tard, on l’a rappelé pour lui offrir un nouveau contrat. D’la job, c’est d’la job, s’est dit Howard, toujours sans plus, et « le chèque avait passé ». Toujours bon, un chèque qui passe, nous tombons d’accord.

Excepté que cette fois-là, on lui a demandé de filmer la première activation du processeur d’un enfant. Et en captant les images de la surprise de l’enfant qui entend pour la première fois, il s’est mis à pleurer à chaudes larmes.

Il a fait des pieds et des mains et s’est fait engager par AB comme responsable des productions audio-visuelles et ne changerait d’emploi pour rien au monde.

De retour prochainement avec la suite de la semaine.

vendredi 12 septembre 2008

Je chante juste !

En faisant du vélo, je me suis hasardée à chanter au son de Chopin, ce matin (la Marche funèbre), en présence de Roger. Après un moment, il s'est approché de moi et m'a dit : tu chantes exactement sur le timbre. Pour la première fois depuis trente ans, tu chantes juste.

Pour la première fois depuis 30 ans, je chante juste.

Chanter juste…

Ne plus voir le regard des gens se détourner gentiment quand je chante.
Ne plus commencer à chanter et m'interrompre avec gêne… regret…

Chanter avec la musique que j'aime, juste fredonner parce que c'est beau.

Maintenant je peux.

Oui, j'ai la gorge serrée et les yeux pleins d'eau.

Tasse-toi, Céline, j'arrive.

dimanche 3 août 2008

Parle parle jase jase - musique (1)

Zut. Suis revenue trop tard d’une invitation à souper hier soir pour écrire (merci, Nicole et Alain, salut, Rolande, Sophie et Mathieu).

J’ai plein de choses à conter, mais aujourd’hui, je crois que je vais me concentrer sur des histoires de musique. Et comme j’écris aussi ce blogue pour les gens en attente d’un implant ou l’ayant récemment reçu, ou pour leur entourage, en quête d’informations au sujet des expériences des autres, parler de musique, ce sera faire d’une pierre deux coups.

J’ai parlé, il y a plusieurs semaines, de mes essais avec la musique. Il faut bien l’admettre, le processus pour la musique, il est long. J’ai du chemin à faire.

Jusqu’ici, j’ai :

• joué du piano
• joué du clavier
• écouté mon iPod
• écouté de la musique sur mon ordinateur
• écouté la radio dans l’auto
• écouté le système de son
• fait de la composition sur mon ordinateur

Piano

Après deux mois et demi environ, ce que j’observe surtout, c’est que, si je passe plus que quelques jours sans jouer, je « perds » ce que j’avais « gagné » : le son du piano redevient chargé de résonances aberrantes, de oiiiing-oiiiing-oiiiing. C’est ce que j’ai eu la très mauvaise surprise de découvrir au retour de notre voyage en Indiana, ayant été plus de deux semaines sans pratiquement toucher au piano (si l’on oublie dix minutes à faire l’essai d’un pas très bon piano à queue dans un magasin de musique). Alors qu’avant de partir, le son du piano avait tranquillement pris de la richesse et du moelleux (avec un « saut » de qualité appréciable quand j’ai décidé de jouer avec mon appareil auditif dans l’oreille droite en plus du processus au programme musique), il était redevenu plus maigre et métallique et oiiiing-oiiiing-oiiiing au retour. Il est vrai que le piano a maintenant sérieusement besoin d’être accordé mais je ne crois pas que cela ait beaucoup rapport avec la qualité du son produit.

J’observe une différence marquée dans les notes élevées. Auparavant, vu l’absence des hautes fréquences dans mon audition, je les entendais mais comme mates, sans couleur. À ce sujet, toute mon équipe d’audiologistes m’a assuré, avec surprise, qu’il était pratiquement impossible que je les entende, que je suis complètement sourde dans ce champ de fréquences, et que mes appareils auditifs étaient incapables d’amplifier. Je maintiens que je les entendais même s’il est vrai que je ne les distinguais plus très bien. C’était surtout dans ce registre que je n’entendais plus les fausses notes que je pouvais jouer, et que je me rendais compte d’une erreur par hasard, en regardant mes doigts (ce qu’on ne fait pas toujours en jouant) et en les voyant à la mauvaise place, par exemple un accord tout décalé d'une touche vers le bas.

Le son de ces notes hautes est maintenant ravissant, presque magique, un très joli carillon. Si vous connaissez un peu la musique de Chopin, que j’adore jouer, pensez à ces phrases en dentelle dans les notes hautes. Ça, c’est vraiment très plaisant à redécouvrir.

Dans un groupe, quelqu’un a demandé si les autres entendaient les notes basses. Pour ma part, j’ai relativement peu de difficulté avec les notes basses.

Pour des raisons indéfinissables, il y a quelques notes en particulier, juste sous le déplorable sol 5, qui produisent un son d’une beauté veloutée qui me fait venir un sourire aux lèvres quand le hasard de la pièce les fait ressortir dans une mélodie. J’en parlais, il y a quelque temps, à Élisabeth qui, après un court moment de surprise, a dit : « ça commence par une ! » Dieu (qui n’existe pas) l’entende !

Bon, assez PARLÉ de piano. Je vous quitte pour aller en JOUER.

vendredi 1 août 2008

Me revoilà, 7 semaines plus tard

« Is no news good news? » me demande mon amie Dominique…

« Es-tu malade, désemparée, découragée, euphorique ??? » me demande mon ami Jacques…

« Je m’ennuie, là » , proteste mon amie Suzanne. Et Dominique lui fait écho.

Malade, désemparée, découragée… non, certainement pas.

Euphorique, alors ? Non plus.

Juste…

Juste bien.

Je commence donc cette suite de mes aventures avec un petit aveu qui ne surprendra personne : je n’ai pas tout à fait l’esprit du blogue.

Quelqu’un qui blogue « pour vrai », comme Suzanne, s’y attache méthodiquement, un peu tous les jours. Moi, j’attends trop, et la tâche devient rebutante.

Bon.

Où en sommes-nous maintenant ?

Ma réadaptation a « officiellement » pris fin le mardi 29 juillet. Elle s’est prolongée à cause des vacances, qui ont entraîné une désynchronisation des horaires.

À mon retour de vacances, Mme H. m’a fait passer les derniers tests, qui ont été extrêmement encourageants. Dans le test de phrases, j’ai failli avoir 100 % : j’ai hésité entre « nous allons voyager » et « nous aimons voyager » et j’ai choisi la mauvaise réponse. Zut.

Je mentionne ici que j’ai recommencé à porter mon appareil auditif dans l’oreille droite, dans le but d’enrichir les sons, que je trouvais un peu trop métalliques et maigres. Ça va bien. J’avais entendu dire que certaines personnes avaient beaucoup de difficulté à s’habituer à conjuguer les deux expériences auditives. Ça n’a pas été mon cas.

Au début, j’avais l’impression que, tout en étant plus riche, le son était un peu moins clair, ce qui me semblait inévitable (si j'ajoute des basses fréquences, je diminue la proportion des hautes fréquences, spas ?) Mais je m’y suis très rapidement faite et les tests de l’évaluation finale ont montré que mon degré de compréhension du langage avec l’appareil est même légèrement supérieur.

Porter mon appareil auditif « contro » (c’est comme ça qu’ils appellent ça, « contro » = abréviation de « controlatéral ») améliore également le son du piano. Avec mon appareil « contro », le fameux sol 5 reprend à peu près sa place et je ne l’entends « faux » que très rarement. Yé !

Le fameux sol 5 :



En faisant un peu de recherche sur « contro », je suis tombée sur un article hallucinant, rédigé par un sourd qui adorait le Boléro de Ravel (je vous rappelle que le terme « sourd », en français, n’est pas un absolu et qu’on n’aurait pas vraiment besoin du laid mot « malentendant »). Si vous lisez l’anglais, je vous recommande vivement « My Bionic Quest for Boléro », de Mike Chorost.

http://www.wired.com/wired/archive/13.11/bolero.html

Dans mes prochains messages, je vais raconter ici, en vrac, des petits moments de ma vie « bionique » de ces dernières semaines. Demain, promis.

lundi 9 juin 2008

Réadaptation, semaine 6

La semaine dernière a été plutôt calme, avec une session de thérapie et des essais des sytèmes pour écouter la télé.

Je n’ai pas noté de différence appréciable entre le système MF et le système infrarouge, pour ce qui est de la compréhension de la télé proprement dite. Nous ferons des essais avec un système de son. Il nous reste aussi à faire des essais avec le télécapteur et la boucle d’induction, pour télé, téléphone et trucs comme iPod mais nous les avons reportés à la semaine qui suivra le retour de vacances de Mme H., de façon à avoir le temps de travailler sur la programmation avec M. B.

En fait, la semaine a plutôt été marquée par les efforts de reprogrammation de l’implant par M. B.

À mesure que la semaine avançait, j’aimais de moins en moins le programme mis à l’essai le vendredi précédent. C’est moi qui l’avais choisi parce qu’au moment de l’essai dans le bureau de M. B., ses timbres plus riches me donnaient l’impression d’atténuer la double voix. Je me suis rapidement rendu compte que ce n’était pas vraiment le cas. La session de thérapie avec Mme H. m’a prouvé qu’il nuisait à ma compréhension du langage. Alors que dans les sessions de thérapie pure, je reconnais habituellement 85 % des mots sans erreur, cette fois-ci, je ne suis arrivée qu’à 70 %. De plus, les erreurs que j’ai faites étaient plus lourdes : je n’arrivais pas à reconnaître le mot au deuxième essai non plus et pour certains mots, il a fallu que Mme H. me les répète.

Comme le faisait remarquer Roger, ce n’est pas simplement affaire de m’habituer au nouveau programme : j’avais de meilleurs résultats dès les débuts de la programmation, bien avant qu’on puisse parler d’habitude.

Je suis donc arrivée dans le bureau de M. B. vendredi après-midi avec la ferme intention de mettre fin à l’essai, ce que M. B. a accepté sans difficulté.

Dans le cadre de ses recherches sur la double voix, il a fait plusieurs tests, dont je donnerai la liste dans un autre message, à l’intention d'autres personnes qui pourraient avoir ce problème.

J’ai fait état de ma perplexité : chaque fois que je relève une différence quelconque, notamment les timbres, on m’explique toujours que c'est dû au retour des hautes fréquences, que j’entendais de moins en moins depuis des décennies. Je veux bien, mais j’ai de la difficulté à concilier la présence de hautes fréquences avec celle d’une deuxième voix dont les fréquences sont moins élevées que celles de la première voix. De plus, à la réflexion, je ne crois pas qu’il s’agisse d’un effet d’écho comme ce que j’avais lu, étant donné que la fréquence est différente. M. B. était d’accord avec moi sur les deux points. Il m’a appris que, selon ses consultations avec des collègues et avec la clinicienne d’Advanced Bionics pour le Canada, mon problème est nouveau. Je suis, paraît-il, « un défi ». Joie.

Il est d’ailleurs possible que j’aie l’occasion de rencontrer la clinicienne d’Advanced Bionics pour l’est du Canada.

Je reviens sur la « rareté » du problème : j’ai déjà écrit le contraire ici. C’est qu’au moment où je pensais que le problème était un effet d’écho, c'est l’expression que j’ai utilisée pour le décrire, et quelques autres membres de différents forums m’avaient dit l’avoir aussi éprouvé. Dans certains cas, le problème avait été résolu par des modifications de la programmation, dans d'autres, il était disparu avec le temps.

Mais voilà : ce n'est pas un effet d’écho. Selon M. B., un effet d’écho s’atténue avec des modifications aux basses fréquences, ce qu’il a essayé la semaine passée, sans résultat.

Nous avons certainement fait une bonne dizaine d’essais de modifications. À la fin, j’avoue que j’avais sombré dans la plus profonde confusion et que j’en étais venue à douter même de ma perception du problème. Pas rassurant !

J’ai quitté le bureau de M. B. avec, en position 1, mon ancien programme très légèrement modifié pour tenir compte de la nouvelle égalisation de l’intensité des électrodes et, en position 2, le même programme mais avec une plus grande importance au microphone extérieur, ce qui a pour effet d’enrichir les timbres. Il m’a suggéré de faire des essais en alternance dans une même situation, pour faciliter la comparaison. Je ne l’ai pas fait encore.

M. B. m’a également conseillé de faire des essais avec mon appareil auditif dans l’oreille droite, juste pour voir s’il pourrait y avoir un effet sur la double fréquence. Ça, je l’ai fait.

En effet, j’ai fait l’essai, ce matin, de jouer du piano avec et sans appareil auditif dans l’oreille droite. J’aime bien le timbre du piano avec l’appareil et le sol errant reprend sa place. En revanche, c’est fatigant. Mme H. doit faire un audiogramme classique de mon oreille droite demain, étant donné que le dernier audiogramme remonte déjà à deux ans et que mon audition était en phase d’évolution (détérioration) assez rapide à ce moment-là. Ensuite, j’irai voir mon audioprothésiste avec le nouvel audiogramme pour faire reprogrammer l’appareil, ce qui est une opération singulièrement plus simple et plus courte que la programmation de l’implant. Youpi, c’est l’audioprothésiste qui fait tout le travail !

Le téléphone a sonné pendant que je jouais du piano avec l’appareil dans l’oreille droite et j’ai pris l’appel en mode mains libres. C’était vraiment plus facile.

Demain, j’essaierai probablement d’écouter iTune ou GarageBand, ainsi que mon clavier, avec les écouteurs et l’appareil auditif. Jusqu’ici, c’est ce qui avance le moins vite, l’écoute de musique à l’ordinateur ou au clavier. Cling clang en masse. Samedi, j’ai isolé la piste « voix d’Élisabeth » dans une de mes chansons. Le timbre était assez bien entendu, mais certaines notes étaient faussées. Attention : je n’ai pas dit qu’elles étaient fausses — Élisabeth ne fausse PAS —, j’ai dit qu’elles étaient faussées. C'est plutôt déconcertant à entendre.

Patience.

dimanche 1 juin 2008

Réadaptation, semaine 5

Semaine avec des essais d’aides techniques, et deux audiogrammes en prévision de ma rencontre avec l’audiologiste de programmation, M. B., pour voir ce qu’on peut faire au sujet de la double voix.

Un premier audiogramme indique qu’à la fréquence 2000, mon seuil d’audition est plus bas de près de 15 dB que la moyenne des autres. Mme H. dit que cela reste dans les normes. Roger est très surpris : vu que l’intensité sonore double à chaque augmentation de 3 dB, il trouve étrange qu’on dise qu’un seuil de 15 dB représente une différence non significative. L’audiogramme de confirmation ne présente pas de différence notable, même aberration (?) à la fréquence 2000.

J’ai donc rencontré M. B. vendredi après-midi, après le rv de vendredi matin avec Mme H. Il fait de la programmation d’implant depuis 8 ans. Il m’a donné une impression de grande compétence et s’est montré d’une patience d’ange. Il a pris le temps de bien écouter mes impressions jusqu’ici, et s’est montré particulièrement intéressé par mes impressions au sujet de la musique.

Je m’inquiétais parce que j’avais cru comprendre qu’une fois la programmation de base effectuée, on n’y touche plus, sauf pour les contrôles périodiques. M. B. m'a expliqué que ce n’est pas tout à fait exact et que, sans tout refaire chaque fois, on répond quand mêmes aux problèmes qui se posent à la programmation au moment où ils se présentent, comme la deuxième voix dans mon cas.

J’avais noté des faits qui pouvaient peut-être avoir une influence sur le problème de la double voix ou sur la programmation de façon générale.

• le fait qu’au moment de l’égalisation des l’intensité des électrodes, j’avais peut-être mal informé Mme L., ce qui aurait pu fausser l’égalisation ; ça se faisait par une comparaison de l’intensité de deux sons et, n’étant pas sûre de mes réponses, j’avais tenté une expérience, sans me rendre compte des conséquences de ma tentative ;
• le fait qu’une électrode avait un seuil beaucoup plus bas que les autres venait par conséquent peut-être de cette erreur ;
• je me demandais donc si le seuil d’audition beaucoup plus bas à la fréquence 2000 avait peut-être un rapport avec la programmation des électrodes ;
• et je me demandais aussi si les notes aberrantes, entre le sol 5 et le do 6 ne pourraient pas être reliées à tout ce qui précède.

M. B. a d’abord expliqué qu’il n’est pas rare que deux audiogrammes menés avec des personnes normales montrent des différences de 10 dB d’un audiogramme à l’autre, par exemple un audiogramme fait le matin et un autre le soir. C’est la raison pour laquelle on considère qu’une variation de 10 dB est non significative.

Ensuite, il a expliqué que le nerf auditif est constitué de fibres auditives et que la répartition des fibres auditives n’est pas parfaitement constante. Il est possible que l’électrode dont le seuil est plus bas stimule le nerf auditif à un endroit où celui-ci serait plus riche en fibres auditives, ce qui fait qu’il lui faudrait un signal de moindre intensité.

Nous avons quand même vérifié la programmation de l’intensité des électrodes. En fin de compte, il a fait des petits changements de l’ordre de 0,5 %. C’est minime, mais il dit qu’il est possible que cela me soit sensible à cause du développement de l’acuité de mon oreille par la musique.

Nous avons ensuite travaillé sur la double voix. Mme H. l’avait informé de mon problème il y a déjà quelques semaines, donc il avait fait des recherches et avait notamment communiqué avec la responsable canadienne de la société qui fabrique mon implant. Il a essayé six ou sept stratégies. Aucune d'entre elle n'a eu de résultat ah-HA. L'une m'a semblé sur le moment intéressante, disons prometteuse. C'est à peu près impossible d’en décrire l'effet.

J'ai vécu hier et aujourd'hui (vendredi 31 mai et samedi 1er juin) avec le nouveau programme qu’il a agencé. À l'essai à la maison, je crois que ça n'ira pas. Je trouve que j'y perds un peu côté langage sans y gagner grand chose côté deuxième voix. Je persévère parce que dans ces choses-là, il faut y mettre le temps, pour tout.

Nous avons fait des blagues : pour désigner ses stratégies, je lui parlais des lapins qu'il sortait de son chapeau. Le lapin qu'il m'a finalement installé, il mange en tab… Le nouveau programme a consommé trois petites piles hier ; il est passé à travers une grosse pile aujourd'hui et je m'attends que la petite pile que j'ai mise en place tantôt me lâche sous peu. C'est la première fois qu'une grosse pile ne fait pas toute la journée.

Le soir de la fête d’Élisabeth, le 21, nous sommes allés souper chez elle. Je n’avais pas pensé à prendre de pile de rechange, un oubli que je fais rarement. Je portais le processeur avec la plus puissante des piles, mais je ne l’avais pas rechargée la veille. Elle s'est arrêtée après avoir fonctionné en fait depuis la veille au matin, plus de 19 heures. Aujourd’hui, avec le programme à l’essai, elle fonctionné à peine un peu plus de huit heures !

(Quand la pile s’est arrêtée, Roger l’a retirée puis remise, un truc, comme on sait, qui parfois ressuscite momentanément une pile. Il travaillait au-dessus de son assiette. Quand il m’a tendu le processeur pour que je le remette, l’antenne a soulevé la fourchette à laquelle elle s’était collée !)

J’ai fait un peu de musique aujourd’hui. Joué sur mon clavier pour la première fois depuis l’activation du processeur. J’ai découvert qu'il semble défectueux – en mode accompagnement, il ne réagit pas toujours quand la note de basse est le do 4. Par intermittence, ce qui est toujours charmant à expliquer au magasin.

Ensuite, écouté de la musique sur mon ordinateur et mes haut-parleurs (des Sound Sticks). Pas vraiment de quoi écrire à sa mère. Je m'obstine quand même. J’écoute quelques préludes simples du Clavecin bien tempéré, une musique claire. C’est moins bon qu’à la radio de l’auto. Jeudi dernier, en écoutant du Telemann dans l’auto, j’entendais assez clairement l’instrument solo dont j'ai pu reconnaître le timbre (une flûte) et je discernais l’harmonie dans l’orchestration.

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La ronde des rendez-vous recommence demain. J'en aurai cinq cette semaine, vu que j'en ai manqué un la semaine dernière. Au programme, probablement, de la thérapie encore mais aussi des essais avec les émetteurs et transmetteurs MF, pour la télévision et divers systèmes comme les chaînes de son. Ce qui veut dire que je dois me grouiller et préparer l’installation de la télé. Après tout, il n’y a que huit mois et demi que nous sommes arrivés ici, nous n’avons pas tellement eu le temps d’installer la télé ! (Nous ne sommes vraiment pas des télémanes, spas ? mais je veux m’y remettre un peu, je trouve que ça me manque. J’ai mis la télévision dans mes objectifs de réadaptation, même si j’ai bien spécifié que ce n’était pas une des mes priorités.) On verra.

Fait beau, hein ?

dimanche 25 mai 2008

Réadaptation, fin de la première moitié

J’en suis maintenant à la moitié de ma session de réadaptation. Il fait beau, je suis dehors avec mon très cher MacBook Pro, assise juste devant le ruisseau. Les nénuphars sont arrivés. En avant, mon lilas survivant fait son possible. L’autre lilas, plus petit, a vu presque toutes ses branches écrasées sous le poids de la neige. Roger est en train de démolir l’ancien cabanon. Il ne cesse de travailler, c’est bien fatigant.

Ce matin, de la cuisine, j’ai entendu le signal de la laveuse qui venait de finir sa brassée. Je l’ai dit à Roger. Il a souri sans lever les yeux de son journal.

La réadaptation avance bien. Étant donné que j’ai la chance d’avoir ré-acquis le langage extrêmement rapidement, nous sommes maintenant passées aux applications pratiques.

Nous avons consacré une autre session aux appareils téléphoniques, cette fois en travaillant sur les différentes façons de les utiliser.

J’ai fait l’essai du branchement direct, un fil qui se place dans le téléphone et se branche directement dans le processeur, au moyen d’un coude spécial.

Roger fondait beaucoup d’espoir sur cet essai. Il en est effet convaincu que ma compréhension dépend de la qualité du son, or la qualité du son des téléphones amplifiés n’est pas des meilleures. Vous connaissez le son d’un système mains libres.

Déception : le branchement direct semble ne pas me convenir. La qualité du son était bien moins bonne que le son ordinaire entendu dans le récepteur ou même dans le haut-parleur mains libres. Plus de statique, plus de distorsion de la voix. Nous avons fait deux essais en branchement direct, un avec mon téléphone amplifié et un avec le modèle utilisé au Bouclier. Même résultat.

Mme H. dit que parmi les gens avec qui elle travaille, il y a une certaine proportion de gens que le branchement direct n’aide pas beaucoup et qui, comme moi, préfère utiliser leur appareil de la façon ordinaire.

Je me demande s’il est possible que ce soit une question de programme. Je compte demander à l’audiologiste de programmation, M. B., s’il est possible de faire des essais. J’ai rendez-vous avec lui vendredi prochain.

Excusez-moi, j’ai un meurtre à commettre.

(Paf !) Un maringouin de moins.

Ici, les maringouins sont sortis depuis peu, nous en sommes encore à la période où ils sont actifs toute la journée.

Le rendez-vous de programmation que j’ai est surtout destiné à voir si on peut atténuer l’effet d’écho (la double voix) simplement par la programmation. Dans certains cas, c’est possible. Dans d’autres, c’est seulement la patience et le temps qui arrangent les choses. Je me croise les doigts. Je ne suis pas impatiente de façon générale, tant s’en faut (vous me connaissez), mais je me rends compte que je suis, d’une certaine façon, impatiente question audition.

Mon problème, c’est que je ne m’étais pas assez renseignée sur le retour à l’audition avec un implant. En bref : normalement, c’est long. Très long. Par exemple, comprendre le langage prend généralement beaucoup, beaucoup plus de temps que ce que j’ai connu.

J’étais consciente de ma chance en ce qui concerne le langage, après tout mes « scores » aux tests étaient assez éloquents.

De façon contradictoire, c’est justement ce qui m’inquiétait. Il me semblait que mon audition musicale tirait lamentablement de l’arrière par rapport à ma compréhension du langage et je craignais que ce soit dû à des causes essentielles, par exemple mon otosclérose. J’ai bien lu qu’il y a des gens qui ne regagnent jamais tout à fait la capacité d’écouter de la musique.

J’avoue qu’hier, j’ai fait une sévère attaque de bleus. Du bleu foncé.

D’abord, il y a une dizaine de jours, j’ai participé à un atelier d’écriture de chansons. J’avais déjà travaillé avec ce même animateur qui dirige ces ateliers dans des conditions qui étaient auparavant pour moi désastreuses : une ancienne salle de classe, très grande, avec de la réverbération à n’en plus finir.

Les ateliers précédents, j’avais peine à comprendre le tiers de ce qu’il disait. Cette fois-ci, dans les mêmes conditions, j’ai à peu près tout compris.

(Sauf les exemples de musique.)

Marc nous a donné du temps pour écrire pendant l’atelier lui-même. J’ai donc commencé une chanson, que j’ai terminée quelques jours après. Je l’ai transcrite avec mon logiciel d’impression musicale.

C’est avec Band-in-a-Box, le logiciel d’orchestration, que les choses se sont gâtées. À toute fin pratique, je ne suis pas capable d’entendre ce que je compose.

Je fais aussi actuellement l’essai d’un logiciel de synthèse vocale. Bon, d’accord, à 40 €, il n’y a pas de miracles à attendre. N’empêche que je ne discerne pas correctement les sons produits par l’affreuse petite voix. Et ce n’est pas elle qui fait erreur, je l’ai fait valider par Roger.

Excusez-moi. (Paf !)

Ensuite, hier, j’ai joué du piano plus d’une heure, avec le programme de vie courante et aussi avec le programme musique externe (par opposition à musique iPod). J’ai fait des essais avec la commande de volume. Je voulais essayer de rendre le son plus précis, plus net. Comme ce sont les harmoniques en fréquences aiguës qui sont à l’origine de la distorsion très marquée que je perçois, j’ai essayé de jouer à faible volume. Les résultats étaient moins que concluants.

Donc, hier soir, j’avais les bleus. Je suis donc allée voir sur Internet pour trouver d’autres expériences. En début de soirée, j’ai écrit un message dans le forum des utilisateurs de la société qui a fabriqué mon implant (Advanced Bionics).

Pas plus tard que ce matin, j’avais quatre réponses ! Qui toutes disaient la même chose, en gros. La distorsion que je perçois, les désagréables résonances aberrantes, mes quatre correspondantes les avaient vécues. Il faut y mettre le temps et il faut s’exercer, comme pour la réadaptation.

Parmi les conseils pratiques qu’on m’a donnés :
• un surtout que j’avais plus ou moins instinctivement trouvé par moi-même : écouter des choses simples et familières ;
• mais on m’a aussi dit d’écouter de façon régulière, ce que je ne faisais pas, me disant que ça ne me servait rien à rien de me foutre les bleus et que je ferais mieux de laisser le temps faire son œuvre ;
• on m’a aussi conseillé de tenir un journal d’écoute, pour mieux analyser mes essais ;
• deux correspondantes écoutent leur iPod avec leur programme ordinaire et des écouteurs placés près de leur processeur ; je compte bien faire cet essai ;
• aussi, écouter le plus possible avec la musique ou les mots des chansons sous les yeux, pour la rééducation de mon cerveau.

Patience. L’une des correspondantes mentionnait l’expérience d’une audiologiste implantée, qui a dû attendre six mois avant que le son du piano redevienne un son de piano.

Au moins, moi, presque tout de suite après l’activation de mon implant, le piano sonnait à peu près comme un piano. Un piano chaudron, avec quelques notes fausses (le sol 5 sonne encore comme un la 5) et plein de résonances aberrantes… oui, mais un piano. Mon audition musicale n'est donc pas vraiment si « en retard ».

Patience.

vendredi 16 mai 2008

Programmation, semaines 2 et 3

Il y a maintenant un mois que j’ai reçu mon implant et deux semaines que je fais de la réadaptation. La première semaine a surtout été consacrée à de l’évaluation mais, la deuxième semaine, le travail de réadaptation proprement dit a vraiment commencé.

Il n’y a aucun doute que, comme la plupart des gens qui avaient gardé un certain niveau d’audition avant la mise en place de l’implant, mes progrès au début ont été assez rapides. Vendredi dernier, le 9, Mme H. a procédé à un test d’évaluation de la compréhension dans le bruit. Le texte en question se composait de phrases. La première série de phrases comprenait un bruit de fond assez léger ; j’avais l’impression de n’avoir pas très bien réussi mais, à ma grande surprise, j’avais plus de 80 %. « Nous allons faire un autre test » a annoncé Mme H. et nous allons continuer, en augmentant le bruit, jusqu’à temps que vous ayez moins de 30 %. Nous avons donc entamé un deuxième test, avec un bruit de fond plus important. Ce deuxième test s’est avéré passablement plus difficile et j’ai obtenu un minable 39 %. En avant pour le troisième test, avec un ridicule 19 %. MAIS MAIS MAIS : selon Mme H., au stade où j’en suis de la réadaptation, il est bien rare qu’elle fasse même seulement une deuxième série.

Le travail de réadaptation ne permet également de découvrir quels sons me sont le plus difficiles. Nous avons passé par exemple une bonne dizaine de minutes sur la paire de mots « caverne-caserne ». Quand Mme H. prononçait un seul de ces deux mots, je n’arrivais tout simplement pas à reconnaître de quel mot il s’agissait. Elle avait beau insister sur le V ou le S (« cavvvvvvverne »), je n’y arrivais pas. À quelques reprises, j’ai dit « je peux vous donner une réponse mais ce serait purement une question de chance ». Nous avons essayé ensuite de les prononcer deux par deux, ce qui était un peu plus facile. J’ai aussi de la difficulté avec les mots qui commencent par P, où très souvent je n’entends pas du tout ce P. J’ai des exercices à faire, que Roger me fait faire avec beaucoup de sérieux.

Mardi (le 14), nous avons fait des expériences avec divers appareils téléphoniques.

En effet, samedi dernier, j’ai voulu faire une expérience et j’ai tenté de commander de la pizza. Pensant améliorer mes chances, j’avais augmenté le volume du processeur ainsi que celui du téléphone à leur maximum respectif. Ça n’a pas du tout fonctionné ; heureusement, je m’étais assise à côté de Roger pour faire l’essai si bien que je lui ai tendu le téléphone et qu’il a terminé la commande. Il a tout de suite baissé le niveau de volume du téléphone et la téléphoniste de la pizzeria a elle-même dit « ah ! maintenant je vous entends ».

Mardi, Mme H. et Mme G. m’ont toutes les deux expliqué qu’il s’agissait là, contrairement à ce que je pensais, d’un essai très difficile. Dans ce genre d’appel, la téléphoniste est pressée, parfois même stressée, parle elle-même très vite et dans le bruit... Autrement dit, ce n’est pas idéal.

Donc, mardi, nous avons fait un essai avec un appareil téléphonique du type que la RAMQ fournit aux personnes ayant reçu un implant. Ce téléphone comporte entre autres un système mains libres. L’essai a été beaucoup plus intéressant et concluant. J’ai pu avoir une conversation à peu près normale avec Mme G., qui m’a expliqué ce qu’elle avait mangé pour déjeuner ce matin-là et aussi pour souper la veille (cette personne a une alimentation fort saine !) et j’ai à peu près tout compris. Nous avons également fait l’essai du système mains libres et j’ai trouvé que c’était encore mieux. Avec le récepteur, je dois toujours faire bien attention à le garder dans la position la plus appropriée pour le microphone du processeur. Le problème ne se pose pas avec le système mains libres, et l’audition est donc plus facile. Le téléphone que j’ai chez moi, qui m’est fourni par la RAMQ, n’a pas de système mains libres. Selon Mme H., il est possible, en cas de changement à la condition auditive, de modifier les équipements fournis par la RAMQ. Il serait donc possible, peut-être, de me faire obtenir un téléphone comme celui du centre, avec un système mains libres.

Les prochains essais se feront probablement avec le micro qu’on branche directement sur l’appareil téléphonique, ce qui, théoriquement devrait fournir une audition encore bien supérieure puisque le signal serait transmis directement à l’appareil. Roger penche beaucoup pour ce genre de système ; pour ma part, j’hésitais à entreprendre le processus de changement de coude au moment de prendre un appel. Tout le monde connaît ma très grande dextérité : enlever le coude courant, le remplacer par le coude pour le téléphone... autant d’occasions de tout faire tomber par terre. Mme G. m’a fait remarquer que je n’avais qu’à répondre en disant « un moment, je change d’appareil », comme bien des gens font très souvent. J’ai trouvé que c’était une très bonne idée dont je pouvais m’accommoder plus facilement. N’empêche que je crois que par-dessus tout, je préférerais le système mains libres.

Une autre remarque intéressante de Mme G. : je parle trop vite au téléphone. J’y suis allée de ma réponse standard : oui, mais je sais ce que je dis, je n’ai pas besoin de parler plus lentement pour me comprendre. Ha ha ho ho. Elle m’a expliqué que beaucoup de gens ajustent instinctivement leur propre débit à celui de la personne qui parle ; si je parle vite, il y a plus de chances qu’on me parle vite. Bon à savoir.

Je devais avoir un rendez-vous aujourd’hui, vendredi. Avec Mme H., nous nous sommes cependant entendus pour avoir un congé aujourd’hui. Nous en avons profité pour nous rendre à Petite-Rivière-Saint-François, où nous pouvons discuter de téléphones et des diverses options possibles avec Roger L., dont c’est l’une des spécialités.

C’est un congé qui ne sera pas de trop. Je découvre que j’ai maintenant des allergies, au printemps : j’ai le nez qui coule, je tousse beaucoup... Je commence à m’imaginer ce que ressentait Jean-François, dont les allergies étaient si pénibles qu’il pouvait parfois être plusieurs jours malade au point de ne pas pouvoir travailler. Il fait soleil aujourd’hui et je reste bien sagement (et bien platement) à l’intérieur. Et je mets mon blogue à jour.

dimanche 11 mai 2008

Notes sur les sons

M. B., l'audiologiste de programmation chargé de mon dossier pendant la réadaptation, a été informé de la présente persistante de la double voix dans mon audition. Il m'a demandé de lui donner des détails. J'ai pensé que le message que je lui envoyais devrait aussi faire partie de ce blogue, comme témoignage de la vie avec un implant.

VOIX

Pour ce qui est de ma propre voix, j’ai l’impression d’entendre deux voix, une « intérieure » (secondaire) et une « extérieure » (principale). Les deux voix parlent exactement en même temps mais la voix « secondaire » est plus basse (à la fois plus grave et moins forte) que l’autre et elle a moins d’inflexions, elle est plus monocorde.

Pour ce qui est des voix des personnes à qui je parle, ça varie.

Je viens de faire parler mon mari dans son propre bureau (très grand, surfaces dures) et dans notre chambre (plus petite, rideaux, édredon). La voix secondaire était assez présente dans le bureau, encore une fois plus basse. Je n’avais pas autant l’impression d’une voix « intérieure », plutôt simplement l’impression d’une « autre voix », moins importante que la voix « principale ». Cette voix secondaire était beaucoup plus atténuée dans la chambre, mais pas disparue. Par ailleurs, il y a des jours ou des moments du jour où la voix de mon mari est extrêmement altérée, elle devient beaucoup plus basse, plus rauque.

(Il faut noter que la voix de mon mari est mon principal point de référence. Nous n’avons pas d’enfant à la maison, je n’ai pas de travail extérieur.)

Une dame vient de nous rendre visite. Le phénomène de double voix était aussi très présent.

La voix secondaire est toujours plus basse (comme j’ai écrit plus haut, à la fois plus grave et moins forte) que la voix principale.

Quelques autres notes.

Il y a présence de voix secondaire dans tous les programmes du processeur.

Si je réduis le volume, les deux voix sont réduites, et conservent à peu près leurs proportions l’une par rapport à l’autre.

Si je bouche de mon doigt mon oreille droite, mon oreille gauche ou les deux oreilles, le phénomène ne change pas.

La voix secondaire « mange ses mots », c.-à-d. qu’elle n’est pas toujours une parfaite duplication de la voix principale.

J’ai noté le phénomène dès les premiers jours où j’ai eu le processeur. Le 16 avril (soit dès deux jours après), il s’est produit un petit fait qui m’en a fait prendre plus précisément conscience mais je crois que c’était présent même avant. Le phénomène est stable depuis ce temps, il ne va pas en s’atténuant.

Écouter la radio d’auto, un annonceur qui parle : passablement de sifflantes et de chuintements, pas de dédoublement.

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Note : j’essaie de ne pas trop « jouer » avec la commande de volume, parce que je ne crois pas que ce soit une bonne idée. Les « bien-entendants », si on peut dire, n’ont pas de commande de volume.

BRUITS

Beaucoup plus difficile à analyser. J’avais tellement perdu de composantes des bruits que je ne suis pas certaine de la justesse de mon analyse. Certains bruits sont nets (faire toc-toc sur une surface de bois, marcher sur le plancher de bois) et uniques, sans dédoublement. Beaucoup de bruits sont beaucoup plus métalliques qu’avant ou encore résonnent davantage, ce qui me semble normal compte tenu de la « résurrection » des hautes fréquences et serait (?) donc sans rapport avec le phénomène.

Il se passe un phénomène extrêmement bizarre avec le bruit de la voiture. Il se compose de trois composantes, comme des strates. La strate vrombissement, le brrrrrrroum du moteur est très peu présente. La strate la plus présente est un bruit d’eau courante, comme le bruit de l’eau dans une rivière. Parfois, l’eau est moins calme, le bruit plus agité, comme de l’eau qui bouillonne. Finalement, la strate du haut est un son stable, plus aigu, ressemblant au bruit de la bise de tempête dans les films. Pourtant, les autres bruits associés au fait de rouler en voiture -- une roue dans un nid-de-poule, le passage sur une travée métallique sur une autoroute -- sont à peu près conformes à ce que j’entendais avec mes prothèses.

J’entends davantage le bruit métallique des touches quand je tape sur mon ordinateur. Pas de dédoublement.

Ouvrir et fermer la porte du frigo, de la dépense : pas mal comme avant. Pas de dédoublement.

La cloche de la porte : pas mal comme avant. Pas de dédoublement.

Les froissements de tissus : plus présents qu’avant mais assez semblables. Pas de dédoublement.

Les bruits d’un repas : fourchette dans l’assiette, verre reposé sur la table, café coulant dans la cafetière, chaudron placé dans l’armoire ou sur le poêle : plus présents qu’avant mais assez semblables. Pas de dédoublement.

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En finale : décrire des impressions auditives n’est pas exactement un jeu d’enfant, à côté de décrire des impressions visuelles ou tactiles.

dimanche 4 mai 2008

Réadaptation, semaine 1

Où commencer ? Par le commencement ? Bonne idée.

J’ai eu mon premier rendez-vous de RFI (réadaptation fonctionnelle intensive) lundi matin, à neuf heures, au centre de réadaptation Le Bouclier. C’est à Saint-Jérôme, à moins de vingt minutes de chez moi. Je travaillerai avec Mme H. et Mme G., au centre de réadaptation en déficience physique Le Bouclier. Mme H. est audiologiste et Mme G. est éducatrice spécialisée. J’ai eu trois rendez-vous cette semaine, et ce sera encore comme ça pour les sept prochaines semaines. Le premier rendez-vous s’est principalement passé à discuter de ma vision des résultats jusqu’ici. En bref :

• je vis un peu moins dans une manufacture de chaudrons – quoique, le dimanche 27, je vivais un peu sous l’eau, mais moins aujourd’hui, lundi 28 ; ça m’inquiétait un peu, je me demande si ce n’étais pas dû au fait que l’assèchement du processeur ne se faisait pas correctement – il faudra que j’en parle.

• en fin de semaine, j’ai eu beaucoup moins de difficulté qu’avant dans les magasins ; aussi, nous sommes allés dîner dimanche chez Jean-François, Rachel et Élisabeth y étaient, donc cinq personnes, dans le logement de Jean-François sur le boulevard Rosemont ; j’ai pu suivre les conversations presque intégralement ;

• il y a presque en permanence un assez important dédoublement des voix, y compris la mienne ; (j’ai fait des recherches sur le phénomène, qui relève moins de la diplacousie que de l’effet d’écho*).

• lundi matin, je suis allée marcher avec mon iPod, en programme musique avec accessoire (par opposition à musique sans accessoire, comme par exemple jouer du piano) ; je me suis limitée à des choses simples, comme une chanteuse et un accompagnement de piano et Mark Knopfler. La chanteuse, je la suivais assez bien mais pas de façon constante, et son accompagnateur jouait sur un épouvantable chaudron. Mark Knopfler, ça dépendait. Certaines chansons très reconnaissables (All That Matters, à ma grande joie), d’autres moins (dans Shangri-La, la première fois, Knopfler avait une voix de femme).

• bizarrement, pour la vie courante, je dois monter ma commande de volume à « et quart ». Le réglage « normal » du petit point blanc indiquant le niveau de volume est censé être « heure juste » ; monter à « et quart » indique probablement un changement d’adaptation. Chez Jean-François, je suis allée à « et vingt ».

• la voix de Roger ressemble parfois, mais pas toujours, à celle de Toranaga dans Shogun.

• j’ai fait peu d’essais au téléphone ; n’empêche, j’ai eu une expérience amusante. J’ai pris le récepteur pour trouver la position d’écoute la plus appropriée, ce qui m’a pris un bon moment. J’étais en train de décrire à Roger ce que je percevais du son de la tonalité quand le système a trouvé que je prenais trop de temps avant de composer ; une voix m’a donc dit, péremptoirement : « veuillez raccrocher ». Je suis restée un moment ébahie et j’ai dit à Roger, elle m’a dit de raccrocher ! C’est qu’il y a belle lurette que je ne comprends pas ce type de message mais que je les devine à peu près.

Le mardi, Mme H. a entrepris une évaluation à partir des tests couramment menés au centre. J’ai trouvé ces premiers tests plutôt faciles : le premier test se composait de phrases dont la structure était identique (sujet verbe complément adjectif qualifiant le complément) et dont les éléments étaient interchangeables ; de plus, ces éléments étaient plutôt faciles à reconnaître. Entre « le garçon » et « le père », du point de vue auditif, il y a fort peu de ressemblance et il serait plutôt difficile de se tromper entre deux phrases comme : « le père donne un raisin bleu » et « le garçon demande un pois jaune ». Il y avait également une liste de mots, ce qui est toujours un peu plus difficile, mais il s’agissait souvent de mots assez longs, ce qui est plus facile. Je crois comprendre qu’il s’agit là de tests normalisés, qui doivent être passés par toutes les personnes qui travaillent en réadaptation, pour faciliter une évaluation générale.

Mme H. m’a donné des devoirs à faire : il s’agissait d’une liste de phrases et d’une liste de mots que Roger devrait me faire entendre et que je devais comprendre sans lecture labiale.

J’entendais déjà Roger se frotter mentalement les mains. Et de fait, il s’est montré un examinateur compétent mais dur. Il a évité de soigner son articulation outre mesure, il a parfois essayé de me prendre au piège en modifiant légèrement les phrases de façon à les rendre moins prévisibles. Quand il a dit « Ma tante a essayé sa nouvelle moustache » au lieu de « Ma tante a essayé sa nouvelle automobile », j’ai répété, éberluée, « Ce que je comprends, c’est ma tante a essayé sa nouvelle moustache… mais ça n’a aucun sens ! » Et pour la liste de mots, à certains moments, il s’est mis à accélérer la cadence, en lisant les mots presque en rafale.

Les choses vont quand même assez bien : sur 168 mots, je lui en ai fait répéter une vingtaine (évaluer ? non, évoluer) et j’en ai échappé moins d’une dizaine. Les résultats étaient assez similaires pour le test des phrases.

Jeudi et vendredi, j’ai mené mes propres tests pour la musique. J’ai écouté de la musique avec mon iPod. Les résultats ont été assez semblables à ceux de lundi, à savoir la voix solo parfois reconnaissable parfois non, et le fond sonore plutôt chaudron. Vendredi, j’ai décidé de jouer du piano en appliquant des principes de réadaptation de mon cru. Je me suis dit que jouer une pièce que je connais très bien, à plusieurs reprises, aurait pour effet d’enseigner à mon cerveau à reconnaître ses sons dans leur logique, des sons connus dans un contexte connu. J’ai placé mon processeur en position musique et j’ai joué quatre fois de suite le premier mouvement du Concerto italien de Bach, qui est pour moi une pièce fétiche. Essentiellement, j’avais l’impression d’entendre tous les sons connus, à leur place connue, sauf quelques-uns (j’y reviendrai) mais bon nombre de ces sons s’accompagnaient encore de bruits de ferblanterie ou de résonances bizarres. C’est vraiment difficile à décrire. J’étais passablement encouragée par le fait que la plupart des sons me semblait à leur place – j’entends par là qu’il me semblait fa la sib dooooooo rééééééééé do quand je savais que je jouais fa la sib dooooooo rééééééééé do.

L’exception était quelques sons à partir du sol 5, c’est-à-dire le sol juste au-dessus de la portée en clé de sol. Ce sol ne semblait sonner comme un la, le la voisin me semblait sonner quelque part entre le si bémol et le si, le si se rapprochait du do, et les choses retombaient à peu près en place au do 6. Mais ce que je trouvais vraiment fascinant, c’était que si je jouais un accord dont la note la plus haute était ce même sol, il me semblait l’entendre correctement. Je suis allée chercher Roger pour en discuter avec lui : combinaison de fréquence ou d’harmoniques et tutti quanti.

Roger a donc entrepris une étude comparative. Il m’a écouté décrire ce qui se passait au sujet de ce sol, a fait quelques essais puis il a joué d’autres notes sans contexte pour ainsi dire. J’ai trouvé les résultats de cette expérience un peu plus décevants : je dis avec assurance que j’entends do 3 et c’est mi bémol 3. Beurk. Nous avons examiné le son de divers accords : des octaves, des quintes, des tierces, dans toutes les régions du clavier. J’ai du chemin à faire. M’est égal : je vais le faire. Après tout, jouer du piano ou écouter de la musique, ce n’est pas précisément un supplice chinois… (Vous pouvez aussi lire un mot de Roger, indirectement à ce sujet, commentaire 2 du message juste précédent.)

Vendredi après-midi, j’ai passé un autre test, cette fois en cabine. Il s’agit d’un test plus spécifiquement conçu pour les implants cochléaires. J’ai trouvé ce test beaucoup plus difficile que ceux de mardi. Je crois que ma performance se situait au niveau de 70 %. Je devrai passer un test similaire (pas identique, bien sûr) à la fin de la réadaptation, ce qui servira à mesurer les progrès accomplis au cours de la période.

De retour à la maison, je me suis aperçue, avec horreur, que j’avais passé le test en cabine avec mon processeur réglé au programme de musique. J’ai envoyé illico un message à Mme H. J’espère qu’elle le recevra à temps avant la prochaine session, lundi matin.

Dans la vie courante, j’ai parfois l’impression que Roger réalise mieux que moi les différences dans notre vie. C’est lui qui se rend compte qu’il parle et que je le comprends. C’est lui qui fait toutes sortes de petits essais, comme de me parler alors qu’il est derrière moi.

As-tu l’impression que ça avance, me demande notamment Jean-François. Je crois que oui, mais une absence se remarque bien moins facilement qu’une présence. Il faut que j’y réfléchisse pour me rendre compte que je ne répète plus « j’ai pas compris » autant qu’avant.

En fin de semaine, j’ai encore des devoirs à faire, que d’ailleurs je n’ai pas faits. Mme H. a remarqué que, parmi les difficultés que je rencontre, il y a tout particulièrement la consonne p en tête d’un mot. Elle nous a donc donné une série de mots qui ont un sens, qu’ils commencent ou non par un p (pelle -- elle). Roger doit me les faire écouter de diverses façons : lequel est lequel, ou encore pareil pas pareil. J’étais un peu surprise parce que je croyais que la réadaptation se faisait davantage de façon générale. Mme H. a expliqué que travailler à un problème précis dès le début a pour effet d’en faciliter la résolution plus vite.

Tantôt j’appliquerai ce principe au sol 5, par répétition, ou encore pareil pas pareil.

À part ça, il y a le printemps qui se pointe. Il pleut ou il fait gris depuis maintenant quatre jours. C’est bien, c’est ce que j’ai toujours appelé les Grandes Pluies du printemps. Au terme des Grandes Pluies, généralement, tout est vert. Déjeuner chez Élisabeth, aujourd’hui ; les arbres sur sa rue ont presque tous des feuilles. Les nôtres sont surtout en bourgeon quoiqu'on voie, ici et là, quelques masses du doux vert printemps. Mine de rien, le mois de mai est arrivé.


* diplacousie : perception anormale d'un son sous forme de deux sons de hauteurs différentes, souvent causée par une lésion cochléaire.

* effet d’écho : phénomène qui consiste à entendre sa propre voix avec un écart de temps (10 ms) et de hauteur, ce qui produit l’effet d’entendre deux personnes parlant à l'unisson.

samedi 26 avril 2008

Début

Je suis allée magasiner hier et aujourd’hui. Je n’ai pas dit une seule fois « je suis sourde, il faut que je vous voie pour vous comprendre ». Aujourd’hui, j’ai dit une fois « Je n’ai pas compris. ».

Il reste un tas de neige en arrière. Le gazon est vert (mais clairsemé) en avant. Cet après-midi, je me suis assise sur ma balançoire pour lire en buvant un verre de vin blanc.

jeudi 24 avril 2008

De vrais amis

Je tiens beaucoup à remercier « publiquement » et hautement Suzanne et Roger, chez qui nous avons logé ces deux dernières semaines.

Leur accueil chaleureux, leur gentillesse de tous les instants, leur intérêt sincère à ce qui m’arrivait, les petits soins dont ils m’ont entourée, tout ça a adouci une expérience fascinante, certes, mais difficile.

Il n’aurait pas été aussi facile de faire mes expériences sonores dans une chambre d’hôtel et la programmation aurait peut-être été plus longue.

Suzanne, Roger, je vous embrasse encore.

Elles sont toutes là !

Elles sont toutes là ! J’ai pris mon courage à deux mains et, sans même me mettre en programme musique, je me suis assise au piano et j’ai joué chacune des touches blanches, de haut en bas et de bas en haut en commençant par le do du milieu.

Elles sont toutes là, et presque toutes à leur fréquence. Elles sont souvent un peu dédoublées, encore un peu métalliques mais elles sont là.

Dans la littérature, il est rapporté que l’implant cochléaire ne permet parfois pas de discerner la différence entre deux sons (lequel est le plus haut) à moins d’un écart de quatre ou six tons ou même plus. Pour moi, ça, ç’aurait été vraiment souffrant.

Mais elles sont là. Et puisque la semaine dernière, certaines d’entre elles s'accompagnaient d’un bong à peu près indescriptible (de fréquence et d'intensité variables, en forme de s, d’une durée d’environ une seconde) et que ce bong s’est entièrement évaporé (bon débarras, ne reviens pas, merci), je me dis que c’est comme l’hiver : on s’en va du bon côté.

mercredi 23 avril 2008

Programmation, jour 8

C’est fini. Over. È finita la commedia.

La programmation s’est terminée ce matin. Nous avons choisi, pour la vie courante, le programme « gagnant », calculé et dessiné au mieux par Mme L., avec l’utilisation des deux micros (externe et interne) dans une proportion de 50-50. Ce programme pourra me servir pour le téléphone.

J’aurai aussi deux programmes de musique, l’un plus particulièrement pour l’écoute de type iPod, l’autre, pour l’écoute de type haut-parleurs externes ou pour jouer du piano ou du clavier. Le programme du piano pourrait aussi servir pour le téléphone mais les bruits de fond de la ligne seraient alors plus présents.

Rien de tout cela n’est coulé dans le béton. Tout pourra se changer si la réadaptation, ou tout simplement l’usage, en font apparaître la nécessité.

Je prends une journée de congé et n’écrirai pas beaucoup plus longuement aujourd’hui.

Encore une fois merci à vous qui m’avez exprimé votre soutien, en commentaire ou en privé. Il m’a fait grandement plaisir de vous lire.

J’en reparlerai certainement encore et encore, mais il ne vous surprendra pas d’apprendre qu’en sortant du bureau de Mme L. pour la dernière fois, je me suis précipitée vers la boutique de l’hôpital pour lui acheter des fleurs.

Mme L. et Mme T. m'ont accompagnée, chacune à leur façon, tout au long d’un processus difficile. Elles l’ont fait avec une compétence évidente, une patience infinie pour donner toutes les explications requises, et un respect inconditionnel de mes requêtes.

J’ai appris moi-même tout récemment que le programme d’implant cochléaire du Québec constitue l’un des programmes les plus importants au monde. En choisissant de le concentrer au CHUQ, on a permis le développement d’une équipe de premier ordre, autour du Dr Ferron, une sommité dans le domaine scientifique et un homme admiré et révéré de son équipe et de ses patients. Avoir la chance de recevoir un implant cochléaire au Québec, c’est vraiment partir avec une longueur d’avance.

Nous rentrons à Sainte-Sophie demain. Nous espérons que notre ruisseau aura été sage en notre absence. À demain, donc, ou peut-être à vendredi.

mardi 22 avril 2008

Programmation, jour 7

L’a-t-il fait ?




L’a-t-il fait ?



Voilà, c'est fait. Avec mon amour, chose promise, chose due.




Aujourd'hui

Des tests, des tests, des tests.

Programmer le processeur pour mon iPod. Essais faits avec une de mes chansons, parce que mes mixages sont « plats ». La voix est donc bien distincte du fond. Entendre la voix d’Élisabeth avec, cette fois, les fréquences supérieures à 1000 Hz, que je n’entendais plus.

Pas facile, programmer la musique. Personne ne peut m’aider : je suis la seule à entendre mon iPod.

Discussion au sujet du programme qui a « gagné » hier après-midi. Au souper d’hier soir, nous étions huit et j’ai pu suivre les conversations beaucoup mieux. Je trouvais pourtant les bruits mats. Mme L. a fait un changement, puis, à ma demande, un autre, ce matin. Le deuxième était de trop. Et comme j’étais fort surprise que le programme que je m’attendais à préférer avait en fait fini dernier, Mme L. me l’a remis, pour en faire vraiment un autree essai avant de décider de l’abandonner.

J’apprécie énormément à quel point toute l’équipe respecte mes besoins et mes opinions.

Nous faisons aussi des essais de téléphone. J’y reviendrai. Carl (en commentaire) a raison : c’est un travail de titan.

Comme l’a dit Jean-François, pas facile de redonner l’ouïe à une sourde. Plus facile de redonner la vue à un lépreux ou de multiplier les poissons en marchant sur les pains, ou de lui jeter la première brioche aux bleuets, à ce judas lisse-carotte.

Il avait pas pris ses petites pilules vertes quand il a écrit ça. Ou peut-être justement les avait-il prises…

En après-midi, nouvelle série de tests avec Mme T. Elle me prévient qu’elle a mis la barre haute, compte tenu des résultats d'hier. (Élisabeth a dit : « ma mère pète des scores jusque dans ses électrodes ! »). Mme T., elle, a dit qu'il fallait faire redescendre Mme L., qui flottait sur les nuages, hier.

Test de mots sans contexte, d'une ou deux syllabes, et test sur une seule syllabe (té, vé, mai, geai, etc.) avec le programme « gagnant » et le programme « perdant ». Les résultats bruts confirment l’avance du programme « gagnant ». Les scores sont bons, moins que ceux d'hier, mais quand même très bons pour neuf jours de port.

J’ai fait mes devoirs. Je devais, selon Mme T., appeler ma fille, la même qu’hier, a-t-elle pris la peine de préciser. Ce ne sera pas difficile, j’ai dit.

J'ai aussi appelé Jean-François. Qui n’était pas là, mais j’ai bien entendu son laconique « Laissez un message. » Alors l’appel sans message, Fils, c’était moi.

Je tombe de fatigue sur le titan, pardon, sur le divan — pas pu résister, c’est atrocement mauvais et en plus, je ne suis même pas assise sur un divan. Je n’ai pratiquement pas dormi la nuit dernière, ça se voit, non ?

lundi 21 avril 2008

Des gens formidables

Ce n’est pas fini et j’aurai sûrement l’occasion de revenir sur ce sujet, mais je sens la profonde obligation de remercier ce soir le Dr Ferron et toute l’équipe opératoire et Mme L. Ils ont toute mon admiration et toute ma gratitude.

Programmation, Jour 6

Juste un mot parce que j’ai eu des tests ce matin et cet après-midi et que ce fut très exigeant.

Mais aussi trrrrrrrrès gratifiant. En deux mots : en novembre, j’ai passé le test qu’ils appellent Multimédia : 20 phrases prononcées par des voix réelles d’enfant, de femme ou d’homme. J’entends chaque phrase une fois, je dois la répéter, ou en répéter ce que j’en ai entendu. L’ordinateur ne répète pas. Des phrases courtes, du genre :
— J’ai mangé du gâteau au chocolat au souper.
— Les chiens sont dans le parc.
— As-tu vu mon chapeau ? (qui m’a fait pouffer parce qu’elle était dite par une voix d’homme comme Roger demandant « as-tu vu mes lunettes ? »

En novembre, avec mes deux prothèses auditives réglées au niveau optimal, j’ai eu 25 %.

On m’a fait passer ce même test trois fois cet après-midi (avec des phrases différentes, bien entendu). Trois fois, c’est-à-dire une fois par programme, étant donné qu’il s’agissait de déterminer quel programme était le plus avantageux pour moi.

Mme L. m’avait prévenue : madame Dion, n’oubliez pas que ça fait seulement une semaine que vous avez votre implant. Des scores de 30 %, 45 %, inquiétez-vous pas avec ça. (Oui, elle avait lu mon message du bleu pays, car un peu avant elle avait mentionné avoir lu mon blogue.)

J’ai eu (j’ai oublié les chiffres exacts) quelque chose comme 74 % avec mon moins bon programme, 82 % avec mon deuxième programme et plus de 90 % avec mon meilleur programme.

Est-ce que je suis contente ? METTEZ-EN !!!!!!

Au souper, Roger a raconté que, pendant que je me reposais un peu en haut, il avait reçu un appel de Mme L. Elle avait reçu le rapport de l’audiologiste, Mme T., et avait tenu à nous appeler pour nous dire que j’avais obtenu les scores les plus hauts jamais observés après une semaine avec l’implant.

Si j’en crois Roger, elle lui aurait annoncé que, selon elle, c’était un WOW qui allait l’obliger à se couper la barbe.

Mais je dois vous dire que Roger m’aide tellement, il travaille si fort, avec Mme L., avec moi entre les rendez-vous, je ne suis pas certaine où j'en serais sans son apport. Je lui ai dit que je le dégageais de sa promesse.

Fin de semaine - congé

Congé ? Oubliez ça ! Ce serait trop long tout vous raconter, je me reprendrai un peu plus tard. Mais congé ce ne fut pas. Quelques indices :

— Mac Pro, Airport
— pompe submersible (3 fois mon Père)
— service d'urgence de Sainte-Sophie

dimanche 20 avril 2008

Programmation, jour 5 (écrit dimanche)

Programmation, jour 5 (écrit dimanche)

Rassurez-vous, je suis revenue du bleu pays qui était le mien en soirée, jeudi. Roger m’a mis un des programmes préférables (lui, il sait) et augmenté le volume, si bien que j’ai vu que la confusion n’était pas irrémédiable.

Je reviens à jeudi matin pour rire un peu. Au déjeuner, j’ai fait l’essai de changer de programme pendant le repas pour pouvoir faire une comparaison plus juste. Le programme essayé me semblait fort différent au niveau des bruits.

Je mange une autre délicieuse spécialité de RogerL, une crêpe aux fruits, et les bruits de mastication sont vraiment très présents. Rappel du céleri… la veille ? l’avant-veille ? (En lisant ma demande de choses molles, Roger m’avait menacée de me préparer du gruau. Pas grave, je lui ai dit, j’aime ça.)

Bon, alors revenons au déjeuner. J’écoute attentivement. J’annonce :
— Le bruit de la fraise n’est pas le même que le bruit de la banane.

Tout le monde s’esclaffe et Dominique, le fils de Suzanne, me montre le contenant qu’il tient et me demande :
— Et le bruit de la mélasse ?

Revenons à vendredi. Le matin, à la cafétéria de l’hôpital, j’étais beaucoup plus en confiance que jeudi soir. J’ai entendu deux clientes parler derrière moi. J’ai pu parler avec Roger dans ce qui un endroit fort public, même s’il était assez tôt et qu’il n’y avait pas énormément de gens.

À la rencontre avec Mme L., elle m’annonce qu’elle va me faire passer un audiogramme pour mesurer les seuils d’audition avec le processeur et l’implant.

C’est un des audiogrammes les plus difficiles que j’aie passés de toute ma vie. Elle va directement à la mesure critique, diminue l’intensité du son jusqu’à atteindre le seuil où j’entends encore, va encore plus bas et remonte, en va-et-vient pour s’assurer que je ne donne pas de faux positifs. Et en contre-vérification, elle ne teste pas les électrodes uniquement dans l’ordre.

Comme j’ai à peu près en permanence des acouphènes ténus en arrière-plan, quand elle teste un nouvel électrode dans les sons très aigus en envoyant une impulsion très près du seuil, je ne suis pas sûre si ce que j’entends est « son » son ou un des « miens ».

Finalement, le test montre que je suis maintenant à un seuil de 25 décibels partout, de 125 à 8000 Hz, avec une petite pointe de 20 décibels à 1000 Hz (je crois). Auparavant, j’étais, au mieux, à 80 décibels et à partir de 1000 Hz, l’on ne pouvait pas savoir parce que l’intensité que j’aurais peut-être pu entendre était destructive.

C'est donc un signe tangible de l’amélioration de l’audition brute.

Reste à amener l’audition perçue à la hauteur.

Mme L. me remet ensuite la trousse des accessoires. Nous rions au sujet des accents de couleur. Elle m’explique que cet accessoire aide énormément les enfants à accepter de porter leur appareil. Il paraît que les filles choisissent la couleur du jour avec beaucoup de soin. J’en ai… trois. Déception profonde.

Parmi les autre accessoires :
• un étui servant à recevoir le processeur et l’antenne tout une nuit au moins une fois par semaine pour en retirer l’humidité. Ça fonctionne à partir de cristaux de silice ;
• un crochet à microphone simple ; je porte actuellement le crochet à microphone ordinaire et à microphone pour téléphone ; c’est le choix d’à peu près tout le monde parce que ça permet de répondre au téléphone directement ;
• une jonction servant d’entrée pour tout ce qui est appareil audio à pile, notamment un iPod ; on ne recommande pas de s’en servir pour un appareil relié à l’alimentation électrique, parce que le processeur n’est pas protégé contre les sautes de puissance ;
• j’ai déjà reçu le chargeur, les 4 piles et l’étui.

Mme L. reprogramme le processeur en fonction de l’audiogramme. Et voilà qu’une fois de plus, tout s’arrête. Cette fois, elle part me chercher un processeur de rechange. Elle nous demande de continuer avec le processeur actuel mais, la prochaine fois que le son « coupera », je devrai changer de processeur.

Je signe le contrat d’engagement. Tout ce qui est externe demeure la propriété de l’hôpital, qui l’assure. Passé la période de garantie de 3 ans, un bris est assuré avec franchise de 1500 $ (mon assurance peut prendre la relève, la prime dépend des assureurs). Droit de perdre le processeur une fois pendant la période de garantie. Un bris dû à la négligence est à la charge de l’implanté. Je me fais expliquer « négligence », étant donné que ce n'est pas très rassurant. Elle dit que Advanced Bionics est très indulgent. Il n’y a eu que deux cas de réparations à la charge de la personne elle-même depuis le début du programme.

Et voilà, la première semaine de programmation est finie.

jeudi 17 avril 2008

Programmation, jour 4

À vous dire franchement, je trouve la vie dure.

Hier et aujourd’hui, j’ai dûment pris des notes. Je vous en fais grâce, c’est à n’y rien comprendre. La méthode purement expérimentale, par tâtonnements, me réussit mal dans tous les domaines. Le programme 2, disons, est tour à tour pas si mal ou pourri. Et les autres de même. Je vois bien qu’il n’y a pas vraiment d’autre méthode – ou alors comme aux États-Unis, une demi-journée de programmation, ensuite, arrange-toi, bonjour, on se revoit dans six semaines.

Il m’est apparu aujourd'hui un problème de voix. J’en ai deux. Une en dedans et une en dehors. Et elles ne coïncident pas.

Encore aujourd’hui, il y a eu une perte de son. Roger a changé l’antenne. Il s’en suivi une sombre histoire d’aimant perdu. Et, finalement, retrouvé.

Je ne suis pas découragée, je sais que tout ça est nécessaire. Ça ne rend pas les choses plus faciles.

Et en plus, le port du processeur me fait mal à l'oreille. Avez-vous déjà eu une ampoule dans le creux entre l’oreille et le crâne ?

Il y a quand même mes cheveux qui sont contents. Cinq semaines de shampoing à la betadyne, ça vous fait le super voyage de foin. Quand j’ai utilisé le shampoing que Suzanne met à la disposition de ses hôtes – tout est toujours de la meilleure qualité chez Suzanne et Roger –, j'avais l’impression d’entendre mes cheveux boire le revitalisant à grosses gorgées.

Rencontre demain matin et ensuite on rentre pour la fin de semaine. Pas congé, loin de là. Il n’est pas question de revenir à l’appareil auditif pour tout perdre les progrès déjà acquis.

Demain, je vais demander à Mme L. comment s’évalue mon évolution.

Ce soir, valises, etc.

Répétons-nous : demain est un autre jour.

Merci, Carl

Carl m'indique que le test de biométrie en vue d'une opération pour une cataracte (une catarectomie ? une cataractectomie ?) se fait par imagerie par ultrasons et donc ne présente pas de problème en cas de port d'un implant cochléaire. Ouf ! échanger la surdité pour la perte de vision… pas exactement l'affaire du siècle.

mercredi 16 avril 2008

Programmation, jour 3

J’ai eu quelques frissons, aujourd’hui. Par deux fois, à la cafétéria de l’hôpital, où nous déjeunons Roger et moi quand nous partons à l’heure, le processeur s’est brutalement arrêté. Silence absolu. La première fois, j’ai pensé que, distraitement, j’avais déplacé l’antenne (il faut faire attention quand on se gratte la tête ou quand on se recoiffe). J’ai tout enlevé, je l’ai remis, tout fonctionnait à nouveau. La deuxième fois, j’étais bien certaine que je n’avais fait aucun mouvement, ni des mains ni de la tête. J’ai expliqué le phénomène à Roger. À nouveau on enlève tout. Roger a inspecté tous les contacts, enlevé et replacé la pile, me l’a replacé lui-même de ses blanches mains. Nous en avons parlé à Carole L., qui l’a à son tour inspecté. Et ça s’est reproduit une troisième fois un peu plus tard devant elle. Elle a remis à Roger une autre antenne, avec des instructions.

Je ne peux pas dire que les mots « bris interne » m’enchantent particulièrement. Tségenrestylecomme.

J’étais un peu embarrassée ce matin, avant mon rendez-vous. Hier, je n’ai pas été une très bonne expérimentatrice. Comme je vous l’ai dit, je me suis mêlée dans les programmes. Je n’avais guère de commentaires pertinents à faire ce matin, si l’on excepte que j’avais trouvé que le programme 2 était un peu moins intéressant, un peu trop sourd.

Elle nous a montré à quel programme elle avait assigné quelle programmation. Pour le moment, il semble que je favorise les programmes de type Fidelity, ceux avec les canaux virtuels. Elle nous a bien expliqué que cela peut encore changer. C’est un fait que plus de gens favorisent ces programmes mais les mesures de rendements ne montrent pas d’avantage particulier, c’est vraiment une question de physiologie et d’habitudes individuelles.

Je n’ai pas eu grand chose à faire, ce matin. Mme L. a mesuré le fonctionnement de chaque électrode, la réponse à la puissance. De nouveau reliée à son ordinateur, j’entendais une série de petits bruits. Selon l’électrode, cela allait de la mitraillette puissante (mais lente) à une mitraillette un peu plus légère, puis à une machine à écrire, puis une goutte d’eau, puis… je n’ai pas trouvé de descriptif pour les très aigus cliquetis des derniers électrodes.

J’ai appris que tous mes électrodes étaient fonctionnels et répondaient parfaitement. Vous me direz que c’est ce qu’on nous avait annoncé au moment de l’opération. Je ne sais pas très bien la différence. Mme L. nous a expliqué que la pose des électrodes est une affaire fort délicate. Le chirurgien doit répartir les 16 électrodes correctement dans la cochlée. Je ne sais pas si on parle de répartition selon la distance ou les fréquences captées ou autre chose. Or toutes les cochlées ne sont pas identiques, tant s’en faut. Il y en a des petites, des grandes, des plus tordues, des déformées… La mienne était sclérosée, ce qui peut rendre les choses difficiles. Récemment, une implantation a demandé cinq heures et demie à cause de la difficulté à poser les électrodes. Dans mon cas, ma cochlée s’est montrée pleine de bonne volonté et la pose a été très facile. Carole. L. a dit que j’avais été « un beau cas ». On prend sa fierté où on peut.

J’ai mentionné à Mme L. que je ressentais une légère douleur au crâne, non loin de l’endroit où l’antenne extérieure se colle, ce que je suppose être l’endroit de l’autre partie interne. Normal, a-t-elle dit. Les éléments se déplacent un peu, notamment suivant la position de la tête la nuit. Ce soir, je ressens aussi une légère douleur le long de la cicatrice. Je préférerai peut-être porter les piles de moins longue durée, au début. Elles sont moins longues et moins lourdes.

J’ai oublié d’écrire, hier, que j’avais entendu de la musique, hier, dans l’auto. Roger a branché son iPod et j’ai assez clairement entendu la mélodie d’une pièce que je connais bien. La mélodie est très isolée, une seule guitare jouant une phrase, le reste du groupe jouant un accompagnement très doux (accompagnement que je ne distinguais pas, en revanche). Si Élisabeth reconnaît et identifie la pièce, nous trouverons un lien pour pouvoir la faire entendre. Élisabeth ?



J’ai fredonné. Roger s’est tourné vers moi et a demandé, d’un air incrédule : « tu entends ça ? »

Aujourd’hui, il m’a dit qu’à ce moment-là, pour la première fois depuis des années, j’avais chanté juste.

Franchement, si ce n’est pas un WOW, ça, je ne sais pas ce que c’est. Non ?

En revenant, ce matin, j’ai mis une Gymnopédie, de Satie. Après tout, plus simple que ça, ça ne se peut pas. Là encore, j’ai entendu et reconnu la mélodie de main droite, mais pas la main gauche. Tantôt, Suzanne a mis un CD de Céline Dion. J’entends la voix et la mélodie mais je ne distingue pas parce que je ne connais pas.

Étant donné que j’ai jusqu’à vendredi pour faire mes observations sur les programmes, j’ai gardé le même programme plus longtemps.

J’ai commencé par le programme 1. Pas vraiment grand chose à signaler. Les bruits acquièrent tranquillement plus de définition. La voix de Roger, toujours mon point de référence, est un peu déformée. Je la comprends assez bien. Je participe à une conversation avec Suzanne, qui est à contre-jour, je comprends assez bien. Ça pourrait être mieux.

Pendant le souper, la salade croquante faite par RogerL me nuit à grandement ! Le bruit du céleri défie l’imagination. Des choses molles, demain, RogerL, svp !

Suivre la conversation au souper est quand même un peu plus facile qu’hier soir. Je suis aussi nettement moins fatiguée.

Je passe au programme 2 pendant le souper, pour avoir un meilleur point de comparaison. Les sons deviennent immédiatement plus métalliques mais je comprends un peu mieux les gens. Je gagerais bien que c’est un programme à canaux virtuels. Roger le sait mais je ne le lui demanderai pas. Je suis l’incarnation même de la vertu.

En vrac.

Dans les aéroports, pour passer à la sécurité, je devrai présenter ma carte de porteuse d’implant. Je provoquerai très probablement une alarme en passant dans le portique d’inspection. Je ne dois pas retirer le processeur et le faire passer au détecteur sous peine de me retrouver avec un processeur entièrement déprogrammé. C’est arrivé à une porteuse qui s’en allait en vacances. Charmant !

Je voulais vous proposer de la documentation sur l’implant. Malheureusement, le site français d’Advanced Bionics, sous l’Auria Harmony, ne parle que du système HiRes et non du système Fidelity. Pas encore approuvé pour la vente en Europe ? Site non mis à jour ? Je ne sais pas. Il y a quand même des choses intéressantes.

http://www.bionicear-europe.com/fr/products/produits.html

Si vous préférez le site anglais, le voici.

http://www.bionicear.com/For_Professionals/Technical_Product_Details/Auria_Harmony_BTE_Sound_Processor.cfm?langid=1

Et pour finir, deux délicieuses blagues. Il est écrit en toutes lettres dans le manuel d’utilisation du processeur qu’il faut éviter de le faire fonctionner aux températures extrêmes. Par exemple à température inférieure à 32 °F. Je vous jure ! Je vais tout innocemment poser la question à Mme L. Je ne pourrai pas me servir de mon processeur à peu près de novembre à mars ? Vraiment ?

La deuxième. Si vous regardez les sites que je vous ai indiqués, vous apprendrez que le petit couvercle de l’antenne extérieure et celui du processeur même (que je n’ai pas encore vu) se font en 20 couleurs. Me voilà vraiment mais vraiment ravie. On voit des ensembles orange, turquoise, violet. Houlalalala !

La fatigue monte et les sons s’en vont. Moi aussi. À demain.